Annotations d'une page de Webern

Une première maquette d'outil d'annotation temporelle de partition a été réalisée par Samuel Goldszmidt et Nicolas Donin en 2003 dans le cadre du projet européen MusicWeb.

L'idée générale était d'imaginer un cours en ligne exploitant les possibilités immédiates de la synchronisation manuelle entre un fichier son et la partition correspondante, à partir de laquelle il soit possible de dessiner sur le texte musical des annotations analytiques (graphiques ou verbales) et de les faire apparaître puis disparaître à des moments déterminés au cours de l'écoute-lecture.

Nous nous sommes inspirés des cours que nous avions eu l'occasion de délivrer dans un conservatoire : la situation de référence était donc celle du cours d'analyse où chaque étudiant annote, de façon plus ou moins complète et plus ou moins personnelle, une photocopie de la partition commentée par le professeur. À partir d'un certain niveau dans le cursus d'analyse musicale, la question devient moins, pour ce dernier, de contrôler que les étudiants notent tous la même chose, que de les inciter à dépasser le stade de l'identification automatique d'éléments (chiffrage d'accord, plan formel, etc.) pour explorer les zones d'ambiguité, de creux, pour lesquelles les outils analytiques usuels sont inadaptés ou bien donnent des résultats multiples – zones dans lesquelles s'investit la musicalité individuelle de l'analyste, sa manière d'écouter.

À défaut de pouvoir entrer d'embler dans la dimension collective de cette situation d'enseignement, il s'agissait d'abord de montrer en quoi l'annotation temporelle permet de manifester cette multiplicité de points de vue, présente y compris chez une seul et même personne – qui peut écouter 'selon' tel ou tel angle, de façon intentionnelle ou non.

La maquette ainsi réalisée proposait un parcours progressif à travers plusieurs guides de lecture et d'écoute de l'un des mouvements pour quatuor op. 5 de Webern (Fünf Sätze für Streichquartett, op. 5, n° II, 1909). On part (image 1) des lacunes d'une écoute quelque peu superficielle (pour laquelle l'op. 5, n° II est une mélodie accompagnée, donc une mélodie ‘horizontale’ ponctuée d'accords 'verticaux' – mais cela ne permet pas de rendre compte d'une partie des mesures 6-7, 9 et 11-12)

On entre ensuite dans une écoute plus attentive au détail, jusqu'à une écoute focalisée sur les hauteurs (relations motiviques et prépondérances intervalliques) :

Une remise en cause de cette écoute, passant par la considération du grand nombre d'indications dynamiques dans la page (image 3), mène à un guide d'écoute et de lecture moins univoque, plus idiosyncrasique – plus proche en fait de l'écoute personnelle de l'analyste que les précédentes annotations (image 4)

Enfin, l'ensemble des annotations est proposé à la consultation et à la manipulation du lecteur, qui accède également aux fonctions d'annotation utilisées par l'auteur pour confectionner l'analyse.

Cette démarche a été développée en interaction avec des recherches en histoire de la musique sur la conception et l'usage des guides d'écoutes analytiques de la fin du XIXe siècle (voir Epistémologie et histoire de l'analyse musicale).

Cette maquette a conduit à la réalisation d'un prototype d'"outil d'annotation et de synchronisation image/son (OASIS)", réalisé en Flash. Cet outil, redéveloppé en C# et enrichi de nouvelles possibilités, est devenu l'actuel MusiqueLab Annotation.

Dans MusiqueLab Annotation, comme dans OASIS, une première étape de synchronisation est nécessaire, pendant laquelle l'utilisateur, ayant chargé une image scannée apprend à un curseur, par la pose de repères (voir ligne inférieure du dernier écran ('Postlude') de la maquette), à se déplacer sur l'image en fonction du temps de l'enregistrement. Ensuite, il est possible de disposer toutes sortes d'annotations sur l'image, en réglant leur temps d'apparition. Les annotations étaient d'abord issues de l'adaptation d'une palette graphique traditionnelle : rectangles, traits, ronds, signes de phrasé, etc. (v. sur la gauche). Mais des librairies d'annotation spécifiques devraient développées en fonction des manières de faire propre aux différents utilisateurs.

En outre, le travail de liaison entre texte et annotations (par des liens hypertextes) devrait être conduit de façon à permettre aussi bien de subordonner l'apparition des annotations à la logique du texte, que l'inverse – démarche beaucoup plus inusitée, mais beaucoup plus proche de l'écoute. La question du lien entre texte verbal et partition annotée a été explorée plus avant dans Samson François joue Ravel.

Enfin, une version simplifiée de l'analyse, de type guide d'écoute hypermédia, a été réalisée au format Pocket PC dans le cadre du projet SemanticHIFI Elle ouvre la piste d'un outil personnel mobile d'annotation de partition (ou de tout autre flux musical) :

Publications

Nicolas Donin et Samuel Goldszmidt, « Annoter la musique : de la segmentation de fichiers audio à la publication d’articles multimédia », Annexes des actes d’IHM 2007 [19ème Conférence de l’Association Francophone d’Interaction Homme-Machine (Paris, France, 13-15 novembre 2007)], p. 53-56.

Nicolas Donin, « Vers l’annotation multimédia d’informations musicales », L’inouï, revue de l’Ircam, n° 2, 2006, p. 160-163

Nicolas Donin, « Towards Organised Listening: Some Aspects of the 'Signed Listening' Project, Ircam », Organised Sound, n° 9 (1), 2004, p. 99-108.

Équipe Ircam : Analyse des pratiques musicales

Date de début : 2003 / Date de fin : 2006

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