Filmer la création musicale

La réalisation de plusieurs courts-métrages a permis à notre réflexion sur les processus créateurs d'emprunter un moyen d'expression original par rapport à nos projets de recherche. Il s'agit de rendre aisément accessible à un large public, au risque de l'ellipse ou du court-circuit, ces mêmes caractéristiques des pratiques de création musicale que nous nous efforçons habituellement, dans nos recherches, de saisir et d'expliciter d'une manière systématique. L'enregistrement audiovisuel n'est plus, alors, un simple moyen de garder des traces du travail des musiciens : c'est à la fois le médium essentiel de l'enquête et sa finalité. La création musicale se laisse, parfois, mettre en mots. Gageons qu'elle peut aussi se projeter.

A l'initiative du département Pédagogie et action culturelle de l’Ircam, plusieurs membres de l’équipe ont participé à la réalisation de courts documentaires, dans la série « Images d’une œuvre » coproduite par l’Ircam et le Centre Pompidou. Chaque documentaire vise à rendre compte d’une œuvre nouvelle, commande de l’Ircam, en donnant à voir des moments choisis dans le long processus menant à sa création.

Auteur et réalisateur ont suivi sur un temps plus ou moins long (de quelques mois à deux ans selon les cas) les différentes étapes du travail de création. Ce travail engage, autour du compositeur, nombre d’autres acteurs, au premier rang desquels le réalisateur en informatique musicale et le(s) interprète(s). C’est le visage concret de telles collaborations que ces différents documentaires donnent donc à voir. Ils proposent d’entrer dans l’œuvre musicale moins de manière analytique, à partir d’un produit fini (et par principe cohérent), que de manière pragmatique, à partir d’une histoire, l’histoire concrète d’un faire (et d’un faire ensemble). Cette réévaluation de l'importance du processus créateur, ce souci de rendre intelligible les pratiques et situations musicales auxquelles une œuvre nouvelle doit son existence, rejoignent les préoccupations de l’équipe Analyse des pratiques musicales.

Les documentaires, d’une durée de 12 à 15 minutes, sont projetés avant le concert de création des œuvres, généralement en présence de l’auteur et du réalisateur ainsi que du compositeur et de son réalisateur en informatique musicale. Ils sont, dans un second temps, mis en ligne sur le site de l’Ircam. Les films réalisés par les membres de l’équipe :

  • Images d’une œuvre n° 2 : « Le travail de Pierre Jodlowski », écrit et réalisé par Maÿlis Dupont et Lionel Escama, première projection le 14 novembre 2007 à l’Ircam.
  • Images d’une œuvre n° 3 : « océan de Philippe Maintz », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Lionel Escama, première projection le 12 janvier 2008 à l’Ircam.
  • Images d’une œuvre n° 4 : « Dans le mur de George Aperghis », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Benoît Martin, première projection le 26 mars 2008 à l’Ircam.
  • Images d’une œuvre n° 5 : « Deux caprices pour percussion de Luis Naon », écrit et réalisé par Maÿlis Dupont et Jérôme Polidor, première projection le 22 octobre 2008 à l’Ircam.
  • Images d’une œuvre n° 7 : « L'«électronique de chambre» de Marco Stroppa », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Benoît Martin, première projection le 6 novembre 2009 à l’Ircam.
  • Images d'une œuvre n° 8 : « Le Père de Michael Jarrell d'après Heiner Müller », écrit et réalisé par Laurent Feneyrou et Benoît Martin, première projection le 18 juin 2010 au Théâtre de l'Athénée-Louis Jouvet.
  • Images d'une œuvre n° 11 : « Quartett de Luca Francesconi », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Benoît Martin, diffusion web depuis l'automne 2011.
  • Images d'une œuvre n° 13 : « Luna Park de Georges Aperghis », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Benoît Martin, première projection le 8 juin 2011 à l'Ircam.
  • Images d'une œuvre n° 15 : « Assemblage de Roque Rivas », écrit et réalisé par Nicolas Donin et Benoît Martin, première projection le 16 juin 2012 à l'Ircam.

Ces productions sont des occasions privilégiées pour expérimenter sur des terrains variés les problématiques de recherche développées au sein de l’équipe.

Nous avons notamment pu documenter, à partir de trois situations de création nouvelles (Océan de Philippe Maintz, pour soprano, ensemble et électronique, Dans le mur de George Aperghis, pour piano et bande sonore et Deux caprices de Luis Naon, pour percussion et électronique), les modalités de l’engagement de l’interprète dans le processus productif, jusqu’à sa participation au détail d’écriture de l’œuvre. L’interaction entre les possibles technologiques (que réalisateur en informatique musicale et membres des équipes de recherche impliquées s’efforcent d’étendre), le langage artistique d’un compositeur et les attendus d’une commande (ou son inscription en un lieu et un moment donnés) a également fait l’objet d’observations précises.

Un matériau très riche est ainsi disponible, fait de séquences vidéos, de retranscriptions d’entretiens (entre le chercheur et le compositeur, entre le compositeur et le réalisateur en informatique musicale, entre le réalisateur en informatique musicale et des membres de l’équipe de recherche impliquée dans l’une ou l’autre production, etc.), de photos ou de photocopies de partitions (esquisses, partition annotée par l’interprète, partition annotée par le compositeur, …), de carnets de travail, etc. Dans le cadre de ces courts documentaires, le recueil de ces données n’avait bien évidemment pas prétention à être aussi systématique que, par exemple, dans le suivi du projet de création d’une pièce pour « quatuor augmenté ». En l’état, il permet néanmoins de conforter ou de nuancer des résultats de recherche obtenus sur ce dernier projet. Et encore, en balayant des situations de collaboration plus variées que l’ethnographie intensive d’une production ne le permet, il suggère de nouvelles pistes de recherches :

  • sur l’incidence de l’inscription historique et institutionnelle de chaque projet sur « l’acte créateur » ;
  • sur la synchronisation (ou la contradiction !) entre des temporalités de travail différentes (entre équipe de recherche et équipe « productive », compositeur et RIM en tête ; entre compositeur et interprètes ; entre créateurs de différentes formes artistiques, musique et danse par exemple, dans le cas du travail sur Pierre Jodlowski ; etc.)
  • sur le développement de techniques professionnelles d'écoute : écoute du réalisateur en informatique musicale, de l'interprète ayant à se repérer dans la partie électronique, etc.

Soulignons enfin que ces documentaires constituent une forme originale de dissémination de  la recherche, que nous cherchons à thématiser en tant que telle. Deux des documentaires écrits et réalisés par des membres de l’équipe (« hist whist de Marco Stroppa » et « Deux caprices pour percussion de Luis Naon ») font, en ce sens, l’objet d’un travail pour une mise en ligne amplifiée : mise en ligne non du seul documentaire, mais du documentaire et de documents de travail de différents types (rushes, retranscriptions d’entretien, photos d’écrans des logiciels utilisés, schémas, extraits de partitions, etc.), autour de problématiques clés. Ce travail tirera parti des développements informatiques réalisés parallèlement pour la mise en ligne de nombreuses données et analyses autour du projet « Quatuor augmenté ».

Équipe Ircam : Analyse des pratiques musicales

Date de début :  2007 / Date de fin : 2012

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies pour nous permettre de mesurer l'audience, et pour vous permettre de partager du contenu via les boutons de partage de réseaux sociaux. En savoir plus.